Des chaînes, vers le chemin. (Mon Sénégal)

À vous 4 : Ma petite famille.

À N.L. : Pour sa précieuse présence durant toutes ces années.

À Aby : Hôte, guide, flambeau.


       Sénégal (Saly, samedi 25 janvier 2025)

Par ce voyage 
Je suis parti
À ta rencontre imaginaire.
J'ai suivi des traces improbables d'ancêtres que tu n'as pas connus.
Et qui peut-être même, n'étaient pas du Sénégal. 

Depuis toutes ces années, juste après notre séparation, tu t'es mise à la généalogie de cette île du Père. 
Tu décomptes les noms. 
Comme autant de chaînes, autant de fers, qui ont meurtri toutes ces chairs que tu cherches à concilier avec l'Histoire qui les a ignorées. 

Face à la porte du voyage sans retour, j'ai pensé à toi, à eux. Gorée. Gorge nouée. Notre histoire. 

Face à l'immensité de l'océan qui avale, 
Face à l’exiguïté des cales où s'entassent les chairs ferrées. Notre histoire.
Et ma main qui caresse ta joue. 
J'ai pleuré de toi et d'eux face à la porte du voyage sans retour. L'océan calme ce jour-là ne laissait présager aucune mort. Le menteur.

Généalogie, Racines. Creuser le ventre pas pour comprendre, mais pour que soit. Sans autre raison que d'être. Sans sens.

J'ai fait ce voyage vers ta rencontre imaginaire. Cette autre toi que tu es, ou fut, ou n'as peut-être jamais été. Je suis, par ce voyage, parti à ta rencontre, cet en-dedans 
qu'est un amour racine.

C'est à nos voix d’au-delà là, perdues quelque part dans la nuit lointaine d'une vie lointaine, perdues au delà des âges, peut-être à fond de cale, peut-être enchaînées, peut-être fouettées, que je m'adresse. C'est au-delà du temps.

C'est ta silhouette qui est apparue sur le tableau que dessinait l'homme avec le sable.
Comme une évidence.  
Ce voyage, c'était vers toi. Un vers toi qui dépasse toute considération, toute explication, toute mesure. Sans sens. Là. Dans ventre. Dans cœur.
Et tous ces rêves durant les nuits sénégalaises. 

Ce voyage, c'était le voyage vers les terres-toi, en les terres-toi.

Et c'est durant ma dernière nuit sénégalaise que je prends la mesure de tout cela, que j'accepte de le laisser monter en conscience, de l'accueillir. En écoutant « If it be your will ».

Par ce voyage, je suis parti vers toi ; et à nouveau je m'y suis rencontré.
Ce voyage comme un point d’étape. Des chaînes, au chemin. 
Ce tel décalage avec ma vie, mon parcours. Marcher constamment sur du sable, même là où les routes auraient dû être « goudronnées ». Se prendre de plein fouet dans les yeux, une réalité de vie. Durant 3 jours je me suis dit « mais qu’est-ce que tu fous là ? » ; Accompagné d’une certaine culpabilité de mon confort. Je rencontrais une certaine misère. 
Et, au retour, me confronter au discours de mes « semblables » qui eux, ont déjà vu, connaissent. Comme si moi, je ne connaissais pas le monde car je n’ai jamais vraiment voyagé.
Peut-être.

L’essentiel n’est pas là. L’essentiel est en dedans. Et l’enfoui qui ressurgit. Ces deux nuits, à 36 ans d’écart, qui ont totalement agi sur qui je suis, ou fut, ou n’ai jamais peut-être été. Généalogie, racines. 1981 – 2017.

Dans la chambre, à la dernière nuit de mon séjour, se télescopent les hier, les aujourd’hui, les certitudes et les peut-être. Et le ventre qui accueille désormais l’avenir. 1981 – 2017, ce n’est pas une pierre tombale. Il n’y a aucune mort. Il y a seulement la certitude d’une vie transformée qui, là-bas, Sénégal, s’est lovée dans le sable, l’odeur âcre, les regards des talibés, les sourires de mes hôtes. « If it be your will »

Je sais désormais où je suis. Je me considère à nouveau. Je sais le précieux et l’aléatoire. Je vis.

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